Les pfas dans l’eau de boisson : faut-il s’en inquiéter ?

Les pfas dans l'eau de boisson : faut-il s’en inquiéter ?

Qu’est-ce que les PFAS, exactement ?

Les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, sont une famille de composés synthétiques largement utilisés depuis les années 1940. On en compte plus de 4700 types différents. Leur particularité ? Une extrême stabilité chimique, ce qui les rend résistants à l’eau, à la graisse et à la chaleur. Résultat : on les retrouve dans des produits du quotidien comme les poêles antiadhésives (type Teflon), les emballages alimentaires, les textiles imperméables, les mousses anti-incendie… et malheureusement, dans l’environnement.

Cette persistance leur vaut le surnom de “polluants éternels” (forever chemicals) — une appellation qui en dit long. Une fois relâchés dans l’environnement, les PFAS ne se dégradent pratiquement pas. Pire encore, ils s’accumulent dans nos organismes au fil du temps.

Comment les PFAS se retrouvent-ils dans notre eau de boisson ?

C’est une question que beaucoup se posent, à juste titre. Les PFAS peuvent contaminer les sources d’eau potable par plusieurs voies :

  • Rejets industriels : certaines usines utilisant ou produisant des PFAS peuvent rejeter ces substances directement dans les rivières ou les sols.
  • Sites d’entraînement des pompiers : les mousses anti-incendie riches en PFAS contaminent les nappes phréatiques.
  • Décharges : les ordures contenant des PFAS (textiles, revêtements, emballages) relâchent ces composés dans les eaux d’infiltration.

Résultat : les eaux souterraines, les réservoirs naturels et même certaines stations d’épuration deviennent des relais involontaires de pollution. Une étude de 2020 menée en Suisse a détecté des traces de PFAS dans 80 % des échantillons d’eau potable analysés. On retrouve également des concentrations préoccupantes en France, notamment dans certaines zones industrielles ou agricoles.

Quels sont les risques pour la santé ?

Une fois dans l’organisme, les PFAS s’accumulent lentement, principalement dans le foie, les reins et le sang. Leur demi-vie est longue : environ 3 à 8 ans selon le type de PFAS. Ce qui signifie que même de faibles expositions répétées peuvent conduire à une charge corporelle significative au fil des années.

De nombreuses études scientifiques, dont celles de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou des Centers for Disease Control (CDC), ont mis en évidence des effets potentiels sur la santé :

  • Perturbations hormonales, en particulier du métabolisme thyroïdien.
  • Augmentation du cholestérol sanguin.
  • Troubles de la fertilité et impacts sur le développement fœtal.
  • Risque accru de certains cancers, notamment du rein et des testicules.
  • Réduction de la réponse immunitaire, notamment chez les enfants.

En 2020, l’EFSA a fixé une dose hebdomadaire tolérable de 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel pour les 4 PFAS les plus problématiques – un seuil extrêmement bas, qui illustre bien à quel point la vigilance est de mise.

Faut-il s’alarmer ? Répondons avec nuance

Disons-le clairement : oui, la présence des PFAS dans l’eau est préoccupante. Mais inutile de sombrer dans la panique. Ce qu’il faut, c’est comprendre l’exposition réelle et savoir comment agir.

Dans la grande majorité des zones habitées en France, l’eau du robinet est régulièrement contrôlée pour une cinquantaine de pesticides, de métaux lourds et depuis peu… certains PFAS majeurs. Depuis janvier 2023, le Ministère de la Santé française a renforcé la surveillance de ces substances dans les réseaux d’eau potable. Une directive européenne, en cours de mise à jour, prévoit d’imposer des seuils beaucoup plus stricts d’ici 2026 pour les PFAS dans l’eau de boisson.

Cela dit, certaines régions sont plus exposées, notamment en Bretagne, dans les Bouches-du-Rhône ou dans la vallée de la chimie près de Lyon. Il est donc pertinent d’obtenir des informations locales si vous vivez dans une zone industrielle ou proche d’un aéroport (zones à risque plus élevé).

Que pouvez-vous faire à votre niveau ?

Pour ceux qui souhaitent agir dès maintenant, plusieurs options s’offrent à vous :

  • Se renseigner sur la qualité de l’eau locale : votre mairie ou l’ARS (Agence Régionale de Santé) publient des analyses d’eau accessibles au public.
  • Filtrer son eau : certains systèmes de filtration domestiques sont capables de réduire significativement la teneur en PFAS. Les filtres à charbon actif, notamment les modèles à osmose inverse, sont les plus efficaces. Cela nécessite néanmoins un investissement (entre 100 et 1000 € selon le type de système).
  • Privilégier l’eau en bouteille dans certaines situations : ce n’est pas une solution durable ni écologique au quotidien, mais cela peut faire sens ponctuellement, si vous êtes dans une zone touchée ou pour des personnes vulnérables (nourrissons, femmes enceintes).

Petite remarque : n’imaginez pas que toutes les eaux en bouteille soient exemptes de PFAS. Des études ont retrouvé des traces dans certaines marques. Là encore, la transparence doit être la norme.

Y a-t-il des alternatives au tout chimique ?

Au-delà de la question de l’eau potable, la présence des PFAS dans notre quotidien devrait nous interroger sur nos habitudes de consommation. Car au fond, ces composés ne se retrouvent pas dans l’eau par hasard – ils viennent de notre usage massif d’objets traités chimiquement.

Quelques gestes simples peuvent réduire votre exposition générale :

  • Évitez les poêles en téflon rayées : optez pour des alternatives comme l’inox, la fonte ou la céramique.
  • Préférez les textiles non traités : les vêtements “anti-taches” ou “déperlants” contiennent souvent des PFAS.
  • Limitez les emballages plastifiés ou les fast-foods : le papier d’emballage peut contenir ces substances.
  • Faites le tri dans vos cosmétiques : certains fonds de teint ou mascaras contiennent des PFAS. Regardez les étiquettes.

Changer quelques habitudes peut sembler anecdotique… mais à l’échelle collective, cela réduit la pression sur l’environnement et limite les fuites dans l’eau potable.

Et les autorités dans tout ça ?

Les choses avancent, lentement mais sûrement. La France a lancé une feuille de route “polluants éternels” en 2023, qui prévoit :

  • Une meilleure surveillance des PFAS dans les milieux naturels.
  • Le renforcement des normes dans l’eau potable.
  • L’interdiction progressive de certains usages non essentiels.

Au niveau européen, un projet de réglementation vise à interdire l’ensemble des PFAS dès 2026, sauf pour les usages médicaux ou techniquement incontournables. L’Allemagne, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark soutiennent cette initiative. Bref, le mouvement est enclenché.

Mais la prise de conscience doit venir aussi de nous, citoyens, car notre façon de consommer influence directement la demande sur ces produits chimiques.

En résumé : vigilance, mais sans paranoïa

Les PFAS dans l’eau de boisson sont bien une réalité. Leur omniprésence et leur persistance justifient une vigilance accrue. Mais inutile de céder à la panique. Le risque dépend du niveau d’exposition, de votre état de santé et de votre environnement immédiat.

Retenons ceci :

  • Les PFAS sont des substances à surveiller de près, oui.
  • Une exposition en dessous des seuils recommandés reste généralement sans danger à court terme.
  • Des solutions existent pour réduire notre exposition, à la maison comme en société.

Comprendre, s’informer et agir quand c’est nécessaire : c’est par là que passe un rapport lucide et responsable à notre santé et à notre environnement.

Une question à vous poser ce soir en remplissant votre carafe : quelle eau buvons-nous vraiment ? Et surtout… que voulons-nous y voir demain ?